Dans notre précédent article, nous avons considéré deux questions que l’apôtre Paul anticipe, suite à son enseignement sur la souveraineté de Dieu dans le salut. En voici une troisième : « Si Dieu ne sauve les juifs que sur une base individuelle et non nationale, à quoi bon prêcher l’évangile au peuple d’Israël ? ». C’est à cette question que semble répondre l’apôtre dans les chapitres neuf et dix de l’épître aux Romains, et qui intéresse notre sujet plus particulièrement.
Il importe de comprendre combien l’apôtre Paul désire voir Israël parvenir au salut en Christ. Il déclare en effet : Frères, le vœu de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés (10.1). Pour que son désir devienne possible, il ne ménage pas ses efforts dans la prière.
Tout d’abord, Paul affirme que Dieu sauve autant le juif que le non juif dans Ro 10.12-13 :
12 Il n’y a aucune différence, en effet, entre le Juif et le Grec, puisqu’ils ont tous un même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent.
13 Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
Cependant, ce salut ne devient réalité que pour quiconque invoquera le nom du Seigneur, juifs ou païens. La condition à remplir, est qu’ils en soient informés. C’est ce qu’il ajoute aux v.14-15 :
14 Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s’il n’y a personne qui prêche ?
15 Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés ? Selon qu’il est écrit : Qu’ils sont beaux Les pieds de ceux qui annoncent la paix, De ceux qui annoncent de bonnes nouvelles !
Par conséquent, l’apôtre Paul s’est fait un devoir de prêcher l’évangile aux juifs, chaque fois que l’occasion le lui permettait car tel est le mandat qu’il avait reçu du Christ, et que le Seigneur n’a pas manqué de souligner à Ananias, en lui disant : Cet homme est un instrument que j’ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d’Israël (Ac 9.15).
C’est animé d’une telle vision qu’il témoigne dans le chapitre neuf de la même épître, aux v.1-5 :
1 Je dis la vérité en Christ, je ne mens point, ma conscience m’en rend témoignage par le Saint-Esprit :
2 J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le cœur un chagrin continuel.
3 Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair,
4 qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte,
5 les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen !
L’apôtre exprime sa profonde affection pour Israël, et il affirme même qu’il serait prêt, si c’était possible, à être séparé de Christ, si cela favorisait le salut de sa nation. Il rappelle ensuite les huit privilèges qui découlent de leur statut d’Israélites :
1. L’adoption, c'est-à-dire qu’ils appartiennent à l’Eternel en tant que nation, ils constituent le peuple de Dieu.
2. La gloire, qui se réfère à la nuée qui reposait dans le lieu très saint du Tabernacle et du Temple, là où la présence divine se manifestait.
3. Les alliances, qui désignent les accords entre Dieu et le peuple, et qui lui assuraient ses bienfaits.
4. La loi, qui dirige vers toute la révélation de la volonté de Dieu pour le peuple élu.
5. Le culte, qui fait allusion à tout le cérémoniel qui permettait à Israël d’adorer Dieu et d’obtenir son pardon.
6. Les promesses, qui se rapportent aux oracles prophétiques annonçant les bénédictions messianiques.
7. Les patriarches, qui désignent sans aucun doute les pères fondateurs de la nation, tels qu’Abraham, Isaac et Jacob, grâce auxquels Dieu accompli ses promesses à l’égard d’Israël.
8. Le Christ, c'est-à-dire le messie, le libérateur, celui qui sauve des péchés. C’est incontestablement le plus grand privilège d’Israël que de donner naissance à Jésus le sauveur de l’humanité, et pourtant il l’a rejeté...
Et à ceux qui ne comprennent pas pourquoi, malgré tant de privilèges, la nation juive n’a pu être en mesure de saisir le salut qui lui était présenté, l’apôtre va exposer la grande vérité de l’élection et montrer par l’histoire, que le salut ne dépend pas des prérogatives humaines, mais de la grâce et de le souveraineté absolue de Dieu.
L’apôtre Paul poursuit, toujours dans le chapitre 9, en disant aux v.6-9 :
6 Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël,
7 et bien qu’ils soient la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants ; mais il est dit : En Isaac sera nommée pour toi une postérité,
8 c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité.
9 Voici, en effet, la parole de la promesse : Je reviendrai à cette même époque, et Sara aura un fils.
Il explique dans ces versets que l’apostasie d’Israël n’annule pas pour autant la parole de Dieu, car en réalité, tous les descendants physiques des patriarches ne sont pas automatiquement bénéficiaires des promesses faites à leurs pères.
Le premier exemple qu’il donne est celui d’Isaac. Nous savons qu’Abraham a eu de nombreux enfants, dont le premier fut Ismaël, mais seul Isaac hérita des promesses, et lui seul est considéré comme l’ancêtre de la nation élue. Comme Abraham son père, il fut l’objet du choix particulier de Dieu pour contribuer à la formation du peuple d’Israël, d’où devait naître le messie, le Fils de Dieu, rédempteur du monde.
Nous entrons maintenant dans le cœur de l’argumentation de l’apôtre Paul en faveur de l’élection souveraine de Dieu. Voici ce que Paul dit aux v.10-13 :
10 Et de plus, il en fut ainsi de Rebecca, qui conçut seulement d’Isaac notre père ;
11 car les enfants n’étaient pas encore nés et ils n’avaient fait ni bien ni mal, (afin que le dessein d’élection de Dieu subsiste, sans dépendre des œuvres, et par la seule volonté de celui qui appelle),
12 il fut dit à Rebecca : L’aîné sera assujetti au plus jeune, selon qu’il est écrit :
13 J’ai aimé Jacob Et j’ai haï Esaü.
Ces versets, et ceux qui vont suivre, n’hésitent pas à décrire Dieu comme le souverain qui choisit inconditionnellement les héritiers du salut. Ce choix s’avère totalement libre de tout mérite humain, car le plan de Dieu pour Jacob et Esaü, était décidé avant leur naissance et qu’ils n’eussent fait ni bien ni mal.
En d’autres termes, Dieu n’appuie son choix sur aucune raison visible chez les deux hommes, et ceci afin que le dessein d’élection de Dieu subsistât, sans dépendre des œuvres. Et si aucune de leurs actions, bonnes ou mauvaises, n’a dicté au Seigneur l’orientation de son choix, celui-ci est dû à la seule volonté de celui qui appelle.
Quand Dieu déclare j’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü, certains sont choqués par de telles paroles et pensent qu’il vaudrait mieux les atténuer. C’est ainsi que nous trouvons les traductions suivantes dont le but est d’amadouer le lecteur : « J’ai préféré Jacob à Ésaü » ou « J’ai aimé Jacob, mais j’ai repoussé Ésaü ». Mais peu importe les tentatives d’adoucissement, le résultat lui, ne change pas...
Quel que soit l’intensité des sentiments exprimés, cela ne change rien au fait que Dieu ait choisi l’un par rapport à l’autre. Que l’on traduise « préféré » au lieu de « aimé », ou « repoussé » à la place de « haï », le résultat reste le même : l’un a obtenu une grâce que l’autre n’a pas reçue. Il y a eu choix. Il y a eu sélection. Qui oserait nier l’inverse sans contredire les écritures ?
Alors quelqu’un proposera l’objection suivante : « Il est bien question d’élection, mais cela s’applique à de nations et non des individus ». C’est une manière déguisée de prétendre que l’élection ne concerne pas le salut individuel et particulier, mais désigne un avantage collectif et national. On s’appuie pour cela sur Ge 25.23 :
Et l’Eternel lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples se sépareront au sortir de tes entrailles ; un de ces peuples sera plus fort que l’autre, et le plus grand sera assujetti au plus petit.
C’est la réponse que Dieu a donnée à Rebecca qui se plaignait des douleurs qu’elle ressentait depuis qu’elle était enceinte. Mais notre texte dans l’épître aux Romains parle d’individus. C’est vrai que Dieu fit des deux garçons des nations, mais il est clairement spécifié qu’à l’origine il aima et choisi l’un au détriment de l’autre.
Il y avait une faveur indéniable pour un homme précisément : Jacob. Et parce qu’il avait choisi un homme, la nation qui sortit de lui bénéficia de la bienveillance divine. De même, il laissa de côté un homme, Esaü, et le peuple issu de lui n’eut aucune part dans le plan de salut de Dieu.
Il y a une autre objection en rapport avec ces versets qui consiste à dire : « En admettant qu’ici, l’apôtre Paul discourt sur l’élection d’individus parmi les descendants d’Abraham, cependant il ne parle pas de l’élection personnel au salut ». Mais il y a plusieurs raisons qui portent à croire que c’est bien du choix souverain de Dieu en vue du salut individuel dont il s’agit, et j’aimerai les partager succinctement :
1. Les expressions enfants de Dieu et enfants de la promesse au v.8, sont toujours utilisées par Paul pour désigner ceux qui sont sauvés par la foi en Jésus-Christ. Quand il s’adresse aux chrétiens de l’épître aux Philippiens, il déclare dans 2.14-15 :
14 Faites toutes choses sans murmures ni hésitations,
15 afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d’une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde,
A ceux de l’épître aux Galates, il dit dans 4.28 : Pour vous, frères, comme Isaac, vous êtes enfants de la promesse... Paul s’adresse à des individus qui ont fait l’expérience du salut pas la foi en Jésus-Christ. Il les qualifie d’enfants. Il ne parle pas de privilège ethnique ou raciale, mais d’une réalité spirituelle directement liée au salut.
2. Au v.11, l’apôtre affirme que l’élection divine ne repose pas sur les œuvres, mais sur la seule volonté de celui qui appelle. Souvenons-nous que lorsqu’il parle des œuvres ailleurs, il se réfère toujours à la notion de salut, lequel s’obtient uniquement par la grâce et jamais par les œuvres, comme dans Ep 2.8-9 :
8 Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.
9 Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie.
Ou encore dans Tit 3.5 : Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le baptême de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit.
3. Si nous mettons en parallèle Ro 9.11 : Car les enfants n’étaient pas encore nés et ils n’avaient fait ni bien ni mal, (afin que le dessein d’élection de Dieu subsiste, sans dépendre des œuvres, et par la seule volonté de celui qui appelle), et 2 Ti 1.9 qui parle du Dieu : qui nous a sauvés, et nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels, nous relevons quatre similitudes (je les ai soulignées pour que vous puissiez mieux les voir) :
a) Les deux parlent d’appel ou de vocation.
b) Les deux rappellent que cet appel ne dépend pas des œuvres.
c) Les deux se réfèrent au dessein de Dieu.
d) Les deux affirment que ce plan était conçu antérieurement à toute naissance, c'est-à-dire avant les temps éternels.
Si le salut personnel par l’élection souveraine est en vue dans Ro 9.11, cela ne fait aucun doute que c’est aussi le cas dans 2 Ti 1.9, étant donné que les mêmes notions sont présentées.
A bientôt pour la suite...
Comments